Non ce n’est pas un poisson d’avril ! Mamy Ravatomanga, PDG du groupe SODIAT est sorti du silence. Cet opérateur économique renommé mais discret, a choisi la date d’hier, 1er avril, pour s’exprimer au cours d’une interview diffusée sur trois chaînes privées de la Capitale dans la soirée. Une sortie médiatique inédite durant laquelle l’homme d’affaires a abordé tous les sujets épineux dans lesquels son nom a été cité, à tort ou à raison. Des accusations de monopole dans la filière litchi ou encore d’une mainmise sur la filière crabe en passant par les imputations de trafic de bois de rose ainsi que ses relations étroites avec le Président de la République, le numéro un du groupe SODIAT répond à toutes les questions des journalistes sans langue de bois. Fidèle à son statut de grand entrepreneur, il ne manque pas de donner quelques pistes qui peuvent être utiles au développement du milieu de l’entreprenariat à Madagascar. Eclairages.
D’emblée, Mamy Ravatomanga a tenu à apporter des précisions concernant plusieurs affaires qui font polémique dans le monde politique. Son nom a été notamment cité dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le Parquet National Financier (PNF) de Paris pour soupçon de corruption et de fraude, sur fond de trafic de bois de rose. D’après ses explications, l’enquête a été ouverte suite au témoignage d’une personnalité du pouvoir à l’époque, ayant témoigné contre sa personne. « Mes biens ont été saisis, notamment trois constructions en France que j’avais achetées, sous prétexte que c’étaient les fruits de trafic de bois de rose. On m’a accusé de trafic, durant la Transition, alors que j’avais acheté ces maisons en France en 2008, bien avant la Transition. Mais en 2019, après perquisitions et enquêtes, le PNF a sorti un jugement, ordonnant la levée de saisie de tous mes biens. D’ailleurs, l’auteur dudit témoignage a déclaré en 2020 avoir fait un faux témoignage, en s’excusant par le biais de plusieurs lettres », explique – t – il.
Répondant aux sollicitations sur le cas de l’ex – ministre, Rolly Mercia pour un retrait de plainte dans un souci d’apaisement, Mamy Ravatomanga de déclarer que « Rolly m’a écrit plusieurs fois et personnellement, je n’ai aucun problème avec lui. Seulement, il n’y a plus de plainte à retirer puisque sa condamnation a déjà été prononcée ». Quant au cas de Mbola Rajaonah, l’homme d’affaires affirme ne rien à voir avec l’affaire tout en soulignant que cet opérateur économique a été épinglé par la justice pour infraction douanière.
CNaPs, « Panama Papers » et JIRAMA
Cité dans le fameux scandale lié au « Panama Papers », Mamy Ravatomanga d’expliquer qu’ « il y a des lois qui régissent les sociétés offshores. Certains pays offrent des avantages fiscaux pour attirer des investisseurs étrangers. Toutes les sociétés offshores ne sont pas forcément illégales ». Également pointé du doigt dans le scandale qui a récemment éclaté au sein de la CNaPS et les liens avec l’AFF (« Andry sy Fototra ho an’ny Fampandrosoana ») dirigé par son épouse, cet opérateur économique d’expliquer que l’association de sa femme est totalement transparente. Par ailleurs, la CNaPS fait partie des nombreuses entreprises qui ont répondu favorablement à la demande d’aide de l’AFF. Toujours dans cette logique de transparence, Mamy Ravatomanga de déclarer que « Je suis un entrepreneur Malagasy, je resterai toujours à Madagascar et s’il le faut, je répondrai présent aux enquêtes me concernant, comme je l’ai toujours fait ».
Face à différents bruits de couloir qui lui imputent une ambition d’acheter la JIRAMA, Mamy Ravatomanga de répondre que « On salit mon nom pour différentes raisons, mais la société MMP-BTP que je dirige n’a fait que remplir sa part de contrat à savoir la maintenance des groupes électrogènes utilisées par la JIRAMA, suite à la sollicitation de l’entreprise privée titulaire du marché ». Il écarte toute volonté d’acheter la société d’Etat à un montant symbolique qui, selon lui, n’est pas dans ses projets.
Relations intactes avec le Président de la République
Enfin, concernant ses relations de proximité avec le Président Andry Rajoelina ainsi que des rumeurs de discorde entre les deux hommes, Mamy Ravatomanga d’assurer que « Je suis en bons termes avec le Président de la République et il n’y a pas de raison que cela change ». Concernant les rumeurs de sa prétendue influence dans les nominations aux hauts emplois de l’Etat, Mamy Ravatomanga a été ferme dans sa réponse : « Je n’ai jamais nommé quiconque, je n’en ai pas le pouvoir ». A la question de soutenir Andry Rajoelina pour un second mandat, l’homme d’affaires répond par l’affirmatif et ajoute que « même s’il décidait de ne plus se présenter, je lui dirai qu’il devrait continuer la route qu’il a commencé à tracer pour achever ses projets pour Madagascar ».
« Des gens utilisent mon nom à tort »
« Il n’y a pas de monopole dans la filière litchi à Madagascar, puisqu’il y a plusieurs dizaines d’entreprises qui exportent du litchi au sein du Groupement des Exportateurs de Litchis (GEL) à Madagascar ». Ce fut en ces termes que Mamy Ravatomanga a répondu à la question des journalistes concernant un supposé monopole et abus d’influence qu’il exercerait sur la filière. Il ne manque pas de souligner que l’activité d’exportation de litchi fait partie des activités du Groupe SODIAT depuis plus de 10 ans. Selon ses explications, les agréments délivrés par le GEL sont signés par deux personnes dont le président du Groupement ainsi qu’un membre du Conseil d’administration (C.A), élus tous les deux ans par leurs pairs. Tous les deux ans, Mamy Ravatomanga a été élu par le C.A du GEL comme second signataire, et ce depuis le régime Rajaonarimampianina. Quant à une éventuelle mainmise sur la filière crabe, Mamy Ravatomanga est catégorique dans sa réponse : « Je ne suis pas dans cette filière et je ne compte pas m’y investir. Mais il n’est pas impossible que les gens usent et abusent de mon nom pour commettre leurs méfaits. »
En tant qu’opérateur économique, Mamy Ravatomanga a été interrogé sur la stratégie qu’il compte adopter pour faire face à la crise économique mondiale. « Le secteur privé est le moteur de l’économie d’un pays, il faut encourager les entrepreneurs à investir », a – t – il martelé. Il estime que la création d’entreprise malagasy et la création d’emplois permettront de sortir les familles malagasy de la pauvreté. Il cite en exemple le cas du groupe SODIAT qui, en 32 ans d’existence, compte 4000 employés. « Mon projet est de faire en sorte que ce chiffre ne cesse d’augmenter dans le futur », a – t – il déclaré. Dans ses propos, l’homme d’affaires semble très à cheval concernant la solidarité entre les entrepreneurs malagasy. « Nous, entrepreneurs malagasy, devons apprendre à nous soutenir, au lieu de nous détruire mutuellement. Il faut créer des plateformes d’échange pour que les entrepreneurs malagasy puissent partager leurs expériences avec les jeunes qui veulent se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat ». Il reconnait que créer et pérenniser une entreprise n’est pas chose facile. D’après lui, l’esprit de challenge est la meilleure arme pour faire face au monde de la concurrence. « Au lieu de persécuter les entrepreneurs étrangers, ayons comme ambition de les égaler, osons faire mieux et être compétitifs sur le marché ».
Propos recueillis par Sandra R.